Parfois décrié, le département enregistre un regain d’intérêt depuis l’été dernier. Le confinement et la quête d’espace y ont relancé les transactions immobilières.

« Du jamais-vu ! » Patron de l’Agence creusoise depuis 1988, Philippe Petit n’a « jamais autant travaillé qu’en ce moment ». La dizaine d’emails chaque matin et les visites qui s’enchaînent sont le signe d’un regain d’intérêt inédit pour la Creuse, département décrié, voire moqué par le passé.
Tous les agents immobiliers le disent : « Le secteur connaît un gros boom », résume l’un d’eux. « On a une centaine de compromis en cours, contre 50 l’an dernier au même moment. » Selon lui, la moitié des clients sont des gens de l’extérieur en quête de calme et de verdure et les autres, des locaux qui se décident à acheter, craignant une hausse des prix. « Ils se sont déconfinés dans leur tête et se sont dit que c’était le moment… confirme Philippe Petit. À l’Agence creusoise, on a augmenté les compromis de vente de 20 à 30 %. » « On travaille comme des fous avec 30 à 50 % de demandes en plus. L’engouement est réel », renchérit un autre patron d’agence, Eric Rapinat.
Durant l’été déjà, les gîtes de France en Creuse avaient fait le plein avec, au final, un chiffre d’affaires de 150 000 euros de plus par rapport à l’année d’avant selon le président des gîtes creusois, Armand Martinez. En quelques années, l’image de la Creuse, parfois décrite de manière méprisante — la revue « Technikart » avait parlé d’un pays de « bouseux » en 2012 — a changé.
Et puis le Covid-19 est arrivé. « Il a mis en lumière des aspects négatifs, durs de la société, mais a apporté du positif pour des territoires comme le nôtre, analyse Eric Correia, président de la communauté d’agglo du grand Guéret. La qualité de vie par rapport à l’hyper métropolisation est appréciée. Il y a cinq ans, je disais que la Creuse serait un territoire d’avenir. Nous y sommes! » se félicite celui qui a contribué à faire parler de la Creuse en proposant… d’y implanter une filière de cannabis thérapeutique.
«Il faut une certaine maturité pour l’apprécier»
« Ici, quand vous ouvrez les volets, vous voyez des forêts, des vaches, de l’herbe, ça peut faire rêver mais venir en Creuse, ce n’est pas rien. C’est un véritable changement de vie », nuance Eric Rapinat. Florence Bocquery, 53 ans, en sait quelque chose. Elle a quitté il y a quelques années les Hauts-de-Seine pour s’installer ici « par choix ». « Je cherchais une région calme, où il fait bon vivre. Je ne regrette aucunement. Mais je reconnais qu’un trentenaire peut s’y ennuyer. Le soir, la vie peut être triste. Il faut une certaine maturité pour l’apprécier. Et si Paris est à 2h40 de La Souterraine, la Creuse est mal desservie par les transports. Si on n’a pas de voiture, on est mal », termine-t-elle.
Reste que pour certains, le confinement a agi comme « un déclic ». Ce fut le cas pour Jean-Paul Fofingue, domicilié en Seine-Saint-Denis. Lui qui rêvait de grand air depuis toujours, a franchi le pas. « Je viens juste d’acheter une maison à 50 000 euros vers Aubusson », explique ce commercial. « Je garde mon logement dans le 93, mais je viendrai dès que je peux. Dans trois ans, je serai à la retraite, je poserai mes valises en Creuse. »
Et quand on lui demande où il passera ses journées en cas de deuxième confinement, il répond par une couleur. Le vert.